La fin de la ligne et les premières tractations

Retranscription:

 

GT : L’origine, c’est une association qui était propriétaire d’une machine à vapeur, mais qui habitait en région parisienne. Et parallèlement, il y avait une autre association qui habitait dans le Nord qui avait également une machine à vapeur. Et toutes les deux avaient eu l’idée de venir travailler avec le Mamers – Saint-Calais. A l’origine, ce sont donc deux propriétaires de deux machines. L’une des associations est celle qui allait donner vie à la TRANSVAP ensuite, elle possédait une machine relativement récente, une 030 de 1947, et leur envie c’était de circuler sur Bonnétable – Connerré, la TRANSVAP actuelle. L’autre association, c’était une vieille machine 020 en cours de réparation, et eux espéraient rouler sur Connerré – Saint-Calais.

Rapidement, ceux qui voulaient rouler sur Connerré – Saint-Calais ont vu que ça allait être mission impossible, parce qu’il fallait traverser les voies SNCF Le Mans – Paris. Et comme à l’époque il n’y avait pas de TGV, tous les trains express et rapides passaient donc par Connerré. Donc la SNCF a mis son veto, elle a dit « pas question qu’un train touristique cisaille nos voies ». Donc cette association a vite disparu, et il ne restait plus que la TRANSVAP.

Alors en réalité, j’ai été adhérent au tout début avec celle qui a dû plier bagages.

 

SL : Ces associations, c’est elles qui, apprenant la fin du trafic sur ces voies, ont demandé à circuler ?

 

GT : Non, ce n’est pas lié avec la fin du trafic. C’était lié à des tractations qu’ils avaient eu avec Dauxert, le directeur du Mamers – Saint-Calais, qui voyait là peut-être quelques ressources supplémentaires pour sa ligne. Moi en réalité, j’ai été adhérent à la première association qui s’appelait « les Amis de la Vapeur ». Et quand elle a vu qu’elle ne pouvait pas circuler en Sarthe, elle a essayé de se rabattre sur un autre chemin de fer qui est devenu la Baie de Somme.

N’étant plus engagé avec les Amis de la Vapeur, un copain d’école, Jean-Pierre Aubert, est venu me voir en disant « viens donc avec nous à la TRANSVAP ». Car les propriétaires de la machine, qui allait devenir celle qui pouvait rouler, ils n’avaient pas de base sarthoise. Donc ils cherchaient des gens, qui sur le plan local, puissent les aider à faire aboutir leur projet. C’est comme ça que je suis arrivé à la TRANSVAP. Alors, à l’origine, notre mission c’était simplement de terminer la remise en état de la machine à vapeur et de trois voitures, pour rouler les dimanches sur le Mamers – Saint-Calais, qui lui travaillait la semaine avec le fret. A l’origine, l’avenir était souriant, puisqu’on allait rouler sur les rails du Mamers – Saint-Calais, moyennant une rétribution dont on n’a jamais pu négocier la somme, puisque ça ne s’est jamais passé. Malheureusement, vous savez que le Mamers – Saint-Calais avait un trafic qui baissait, que sa voie était en très mauvais état, et qu’après une enquête auprès des communes et des industriels raccordés, le département s’est aperçu que personne ne voulait aider à reconstruire la ligne ; donc fermeture le 31 décembre 1977.

Le problème, c’est que la machine à vapeur était quasiment prête, les trois voitures aussi, mais la ligne fermant… C’est là qu’avec Aubert, on a décidé d’aller rencontrer les 40 conseillers généraux de l’époque. On en a pris vingt chacun, et on a pris nos bâtons de pèlerins. Partout on a finalement été pas mal accueilli. Ce qui fait que, lorsqu’il y a eu le vote pour accorder à la TRANSVAP Connerré Bonnétable, les gares et le dépôt, on a eu 40 voix, c’est-à-dire l’unanimité. Parce qu’il y avait deux concurrents pour nous ; la CADS, qui voulait racheter les terrains, et la SNCF qui en voulait aussi. Et finalement la CADS et la SNCF n’ont eu aucune voix.

Il est vrai qu’on a mis le temps, parce qu’aller visiter 40 conseillers généraux à deux, ça a pris quand même un certain temps, mais ça a été payant.

 

SL : Sur combien de temps tout cela s’est-il déroulé ?

 

GT : En gros, dès qu’on a su que Mamers - Saint-Calais allait fermer, on a commencé notre pèlerinage. On s’est dit, si on attend trop, on ne sait jamais ce qui peut se passer. Prendre notre bâton de pèlerin, ça a été payant, puisqu’on nous a donc remis les installations. Mais attention, ce n’était pas si évident que ça. Parce que le département, s’il savait qu’on était sarthois pour la plupart, il ne savait pas si on était capable ou non de lancer un train touristique. Parce que, première condition, il fallait remettre la voie en état. Ils se sont dit, peut-être que ces gars-là, après avoir changé quelques traverses, ils rentreront chez eux. Donc on a du faire nos preuves toute suite sur la voie.

Qui il y avait sur la voie ? Eh bien pas un seul cheminot. Il y avait Aubert qui était chef d’agence bancaire à l’époque, moi qui était enseignant, il y avait un receveur des postes, Mr Duvré… Il n’y avait pratiquement aucun membre qui avait déjà pratiqué un chargement de traverse, sachant qu’une traverse fait quand même 80 kg. Alors le département nous a dit « on vous donne trois ans pour faire circuler vos premiers trains ». Sauf qu’on ne pouvait pas attendre trois ans, parce qu’à ce moment-là il n’y avait aucune recette, et on devait s’engager à payer les impôts de la ligne, et il fallait quand même acheter les traverses. Donc on s’est mis au boulot très rapidement, les dimanches et pendant les vacances quand il y en avait. Et finalement on a rouvert de Connerré au plan d’eau de Tuffé pratiquement deux ans après la fermeture de la ligne. Naturellement, avant de rouvrir, il y a eu une inspection par le service des équipements, à l’époque M. Bocassini, et comme ce n’était pas encore la décentralisation, il fallait surtout l’aval de la préfecture. Donc les premiers kilomètres sont inspectés, c’est ok : on ouvre.

Sur nos premiers voyageurs, on nous dit « c’est très bien votre train, mais c’est quand même un petit peu court ». C’est vrai qu’il n’y avait que 7 km. On s’est dit, on va essayer d’aller encore plus vite, et de rouvrir au moins jusqu’à Prévelles. Donc, pendant une nouvelle année, on a travaillé tous les dimanches, à changer des traverses, et on a pu rouvrir Prévelles l’année d’après. Là déjà on avait 11 km, presque 12. Puis après on s’est dit, finalement on est qu’à 7 km de Bonnétable, tant qu’à faire on a qu’à aller jusqu’au bout. Ce qui fait que, on a mis un peu plus de temps, 2 ans, mais le département nous a accordé sa confiance, puisque finalement on est arrivé à Bonnétable avec plusieurs années d’avance, puisqu’à l’origine il nous demandait d’ouvrir jusqu’au plan d’eau et après, de voir plus loin.

On a réussi à rouvrir, et partant de là, la TRANSVAP est devenue ce qu’elle est aujourd’hui.

 

SL : Le travail de départ, finalement, c’était surtout la voie, plus que le matériel roulant ?

 

GT : Il y avait le matériel roulant aussi, parce que il fallait quand même mettre en état les vieux autorails du Mamers - Saint-Calais, qui avaient été pour la plupart transformés en engins de travaux, il n’y avait plus de banquettes… Il y a eu beaucoup de travail aussi au niveau des autorails.